Les aliments contre le cancer... point final ?

Ca y est, le rapport de l'ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire) est tombé. Laissez tomber le curcuma, le thé vert et l'ail en gélule. Ca ne marche pas. Pas pour les cancers en tout cas.

Depuis quelques années, on a le droit à ce type de bouquin :
 ou  ou encore livre David Khayat



Il y a certainement des choses de bien dedans, mais ils véhiculent une idée érronée tenace: on va pouvoir prévenir une maladie tel qu'un cancer par l'alimentation.
Le rapport "Nutrition et cancer" de l'ANSES permet d'y voir plus clair, et il est sans appel  :

"L'approche portfolio qui associe l'analyse de données issues de différentes méthodologies et
complémentaires (in vitro, in vivo, chez l'animal, cliniques, épidémiologiques, méta-analyses) montre
qu'il n'existe pas d'aliment ou de nutriment qui puisse être directement incriminé de façon isolée dans
la survenue d'un cancer. La prévention nutritionnelle des cancers s'appuie ainsi sur des
recommandations de comportement et ne cible pas la consommation ou l'éviction d'un aliment en
particulier."

Cela vient confirmer le rapport du WCRF : ce qui permet de prévenir environ un tiers des cancers, c'est une bonne hygiène de vie, alimentation variée, riche en fruit et légume, pas trop en viande rouge et charcuterie, pas trop en alcool.

Mais alors, de quoi sont fait ces bouquins ? Leurs auteurs sont neurologues (D. Servan Shreiber), oncologue (D. Khayat), Docteur en biochimie, chercheurs en oncologie... Bref, des gens respectables ? Sûrement, cela va sans dire. Maintenant, ils se basent sur un gros travail bibliographique, de près de 100 articles scientifiques par livre ! A comparer aux 7000 études retenues après sélection (parmi 500000 !) pour le rapport du WCRF, relues et décortiquées par 9 équipes de recherche, puis synthétisés par 21 scientifiques reconnus. L'écart d'échelle est tel, que cela se passe de commentaire.

Un dernier point, peut-être le plus fondamental : Il faut comprendre comment marche la recherche des nouveaux anticancéreux.
   La première chose qui est testée lorsqu'une nouvelle molécule est mise au point et sa cytotoxicité, c'est-à-dire sa toxicité envers des cellules. Un candidat potentiel comme agent anti-cancer est avant tout un composé qui agit sur les cellules de tel ou tel type de cancer. Après, et seulement après on se pose la question de son inocuité vis-à-vis des cellules saines. Et c'est ainsi que n'importe quel poison se retrouve potentiellement anticancer !! Et même plus généralement, n'importe quelle molécule, à part le glucose, se trouve à une certaine dose, être toxique pour les cellules cancéreuses.
C'est ainsi que le premier de ces livres en question raconte que le limonène (principal composant de l'huile essentielle d'orange...) est un anticancéreux... Si seulement cela pouvait être vrai... Les auteurs font preuve içi d'un manque de méthodologie d'analyse des articles qui frôle la mauvaise foi...

   Pour finir, il faut bien se mettre dans la tête que les molécules anti-cancers sont en général super toxiques pour les cellules saines ou pour l'organisme, et que les fenêtres thérapeutiques (doses permettant un traitement efficace de la maladie sans être trop toxique pour l'individu) sont extrêmement étroites.
Si on trouve dans le navet par exemple une nouvelle espèce chimique anti-cancer, c'est soit qu'elle est en quantité infime, et qu'elle n'a aucune conséquence sur la santé, soit c'est que le navet est sacrément toxique, et qu'il ne faut surtout pas le manger... !

3 commentaires:

  1. Si j'utilise 50 000 études sur le genre humain pour faire une synthèse sur le règne végétal, est-ce que c'est efficace ? Donc le nombre n'est pas un argument ... Et il me semble que M. Béliveau n'a pas fait que compiler des études.

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  2. On peut voir aussi l'interview d'un autre chercheur, D. Corpet, qui me semble raisonnable dans ses propos... http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=2834

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  3. Votre remarque est très judicieuse, et cela explique en partie ce (d'après moi) "mythe" de l'aliment miracle : dans ces bouquins (et je parle particulièrement de celui de Béliveau), les sources sont en grande partie constituées d'articles de recherche sur l'activité in vitro ou in vivo de tel ou tel constituant issu de tel ou tel aliment. le problème : dans ces études, fortes utiles pour la recherche, le composé est isolé, et administré en quantités énormes par rapport à sa présence dans l'aliment !! Elles ne permettent en aucun cas de conclure sur la pertinence de sa consommation !! Et ce n'est d'ailleurs pas leur but !
    Autre remarque : ne les ayant que feuilletés, je ne me permettrai pas de les brûler sur la place publique, mais, je me répète, ils véhiculent l'idée, ne serait-ce que par leur titre, qu'on peut baser la prévention des cancers sur la consommation de produit précis, ce qui est, d'après les rapports cités, une erreur.

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